20 ANS, LE BEL ÂGE
Festival Toulouse les Orgues 1996 - 2016
Avant de s’envoler vers une autre décennie de musique, l’équipe de Toulouse les Orgues s’est penchée sur ses souvenirs. Histoire de prendre appui sur ce qui a forgé l’âme de ce festival pour continuer à voir haut et loin.
Ce sont vingt années d’émotion, de découvertes, de tentatives et de succès que les artistes et le public qui font ce festival célèbrent cette année. Vingt saisons de trac et de grâce, d’audace et d’engagement, de stress et de fous-rires.
En vingt ans, les souvenirs artistiques intenses qui peuvent avoir changé une vie finissent par se mêler aux péripéties les plus cocasses, dans le creuset d’une expérience unique. Et comme l’orgue, en festival ou ailleurs, ne s’envisage pas sans une part d’improvisation, l’inattendu s’est plus d’une fois trouvé au rendez-vous !
Toulouse les Orgues est une manifestation d’un genre qui n’existait pas quand Michel Bouvard et Jan Willem Jansen, les fondateurs et alternativement directeurs artistiques de 1996 à 2013 se sont jetés dans l’aventure.
Ils ont réussi leur projet et leur objectif est toujours d’actualité : les orgues sont des instruments collectifs qu’il faut ouvrir au public et à la vie musicale.
Le 11 octobre 1996 à 20h30, le premier festival est lancé. Dire que le public est au rendez-vous est un euphémisme...
Les invités avaient amené des amis et le public est arrivé en famille. Personne à Toulouse ne voulait manquer l’événement. La foule réunie place Saint Sernin n’attend ni Madonna ni Bruel, mais le nouveau souffle d’un instrument extraordinaire.
Après quatre années de silence et une restauration exemplaire, le grand orgue d’Aristide Cavaillé-Coll peut à nouveau résonner dans la basilique romane qui l’abrite depuis 1899.
L’inauguration est prévue en grande pompe. Les organisateurs du concert du 11 octobre avaient tout mis en oeuvre pour lancer le festival avec éclat, dans l’esprit des majestueuses manifestations du XIXe siècle. L’orgue doit être béni après une entrée en procession dans la basilique, puis à la tribune se succèderont Jean Boyer, Louis Fonvielle, Michel Bouvard et Jan Willem Jansen. Dans le choeur de Saint-Sernin a pris place un ensemble vocal à la veille de s’appeler Choeur de chambre les éléments, pour l’un des premiers concerts de son existence.
Après deux années de discussion avec la Ville pour créer le festival, Dominique Baudis, maire de Toulouse, et Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la culture, sont au premier rang, entourés de leurs nombreux invités.
Michel Bouvard et Jan Willem Jansen se souviennent encore avec effroi de ce moment fondateur, victime d’un formidable succès. Des souvenirs ravivés par les archives de France3-INA.
Organiste, compositeur, chef d’orchestre, directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique, personnalité infatigable et charismatique, Xavier Darasse a initié un grand mouvement de restauration des orgues historiques ainsi que la construction de nouveaux instruments, comme le merveilleux orgue baroque allemand de la chapelle du musée des Augustins.
Il disparaît en 1992, laissant le monde de l’orgue orphelin, mais sa détermination a doté Toulouse d’une collection d’instruments dont la qualité, la variété des styles et la concentration dans un périmètre réduit est unique au monde. Deux classes d’orgue (CRR et CESMD) et un concours international attirent les étudiants et jeunes organistes du monde entier. Il ne manque qu’un volet de diffusion pour enfin s’adresser au public.
L’ART DE CONVAINCRE
Deux ans après la mort de Xavier Darasse, Michel Bouvard et Jan Willem Jansen reprennent le flambeau de l’orgue à Toulouse et jettent les bases d’un grand festival d’orgue. Un festival international, annuel, qui durerait quinze jours en octobre.
Dominique Baudis, alors maire de Toulouse, se laisse persuader. Il soutient l’idée d’une manifestation qui mettra en lumière le patrimoine de Toulouse et participera au rayonnement historique et culturel de la Ville.
Cette phrase de Xavier Darasse sert de fil conducteur aux créateurs du festival. Il ne se présentait jamais comme organiste : Toulouse les Orgues sera donc un festival de musique. Avec de l’orgue bien sûr !
Les organistes vivent cachés, perchés dans des tribunes inaccessibles ? Il y aura des caméras. Ils appartiennent à un seul monde sonore ? L’histoire de la musique est appelée sur scène, pour rappeler que les grands organistes étaient aussi clavecinistes, compositeurs, pianistes, chefs d’orchestre. Impossible de bouger un orgue ? C’est le public qui sera invité à voyager.
Dès les premières années du festival, si les grands récitals sont là pour faire entendre les chefs-d’oeuvres du répertoire, toutes les expériences sont également possibles.
Les moments magiques où la musique pure transcende les auditeurs s’enchaînent avec des idées baroques, romantiques, improvisées, bruyantes, farfelues. Elles vont d’un voyage quasi impromptu au Portugal (tout le public dans un charter pour Lisbonne) au montage d’un orgue espagnol aux Jacobins. D’un Art de la Fugue joué alternativement par plusieurs formations, à des happenings de jazz. D’un match d’improvisation resté dans les mémoires à la venue d’un spationaute venu jouer dans les étoiles. La surprise d’une rencontre avec un inconnu qui s’avance, un soir de centenaire Cavaillé-Coll. Le son joyeux de tous les carillons de Toulouse qui se mettent à sonner en même temps.
Il y a des concerts qui ont frappé tous ceux qui y étaient. Des spectacles qui ont vu arriver un public complètement neuf. Des moments sublimes où la musique transforme l’âme, des oeuvres qu’on a détestées, des propositions qui nous ont sacrément secoués.
Après vingt saisons, les témoignages du public se recoupent sur plusieurs points. Vous vous souvenez avoir ri au concours d’improvisation de la Daurade, écouté Jean Guillou et Louis Robillard avec passion, vous êtes heureux d’avoir participé à la première Nuit de l’Orgue, festive et décontractée. Monter à la tribune avec l’organiste est un privilège qui marque tout le monde. Vous avez été curieux de découvrir les mécaniques complexes de l’instrument-machine et les ateliers des facteurs d’orgue. Et vous êtes souvent tombés sous le charme d’instruments étranges.
Et tous, vous savez qu’il y a la musique dont on ne parle pas mais qui pénètre au plus profond de nos esprits, des moments qui sont peut-être sortis de nos mémoires mais qui nous ont pourtant changés.
- "Je me souviens d’un concert à St Nicolas, quand l’église était fermée au public. Ça sentait la souris morte et c’était plein de poussière. Mais j’étais ravi d’être là grâce à l’instrument de cette église."
- "Je me souviens des danseurs suspendus sur le mur du musée St Raymond pendant les improvisations géniales de Jean-Baptiste Dupont à Saint Sernin."
- "Je me souviens de la première Nuit de l’Orgue. Une ambiance extraordinaire !"
- "Je me souviens d’un carillonneur qui transportait son carillon jusqu’aux berges de Garonne."
- "Je me souviens d’un danseur soufi qui tournoyait. Danse et musique jusqu’à l’hypnose. Une expérience inouïe dont on ne sortait pas indemne."
- "Je me souviens du concert de Michel Bouvard à l’orgue de Saint Etienne avec l’orchestre du Capitole à la Halle aux grains."
“ L’idée c’était vraiment de faire découvrir l’orgue aux mélomanes et d’élargir à la population. Faire découvrir les chefs-d’oeuvres de la musique. Ça nous fait mal, nous les organistes, quand on nous dit l’orgue c’est ennuyeux, c’est sombre, il fait froid, on est mal assis... L’orgue souffre de préjugés et je crois qu’on a vraiment réussi en vingt ans à dépoussiérer cette image et c’est le plus important.”
“Si je me demande : est-ce que le festival a changé les Toulousains ? Non ! ce sont toujours des Toulousains...
Est-ce qu’il a changé les organistes ? Oui certainement. Ça a été un très bon support, une motivation pour s’engager pour l’orgue, tenter des expériences, découvrir de nouveaux répertoires. Cela a apporté une bouffée d’oxygène dans le monde de l’orgue. Il y a beaucoup d’échanges enrichissants, sympathiques, respectueux. Profonds même.
Mais c’est surtout pour les jeunes organistes que le festival a joué et joue toujours un rôle important. Je suis sûr qu’il y a des moments qui ont compté dans leur vie, qui les ont aidés à envisager l’orgue et leur carrière autrement.
Depuis pas mal d’années, les festivals d’orgue ont la volonté de s’ouvrir au public. Mais à l’époque, nous n’avions pas de modèle.”
“Pour ces vingt ans je me suis demandé ce qu’il fallait faire. Privilégier toute la richesse de ce qui a été fait ? C’est presque trop parce que c’est un festival qui n’a pas arrêté d’inventer et de tenter des choses. Alors je me suis dit, à vingt ans, on peut regarder vers quoi on peut aller. Bien sûr, j’ai invité des gens qui ont fait le festival, qui en ont été des figures marquantes. Mais j’ai aussi voulu inviter des organistes plus jeunes, des trentenaires qui représentent la force vive de ce que sera l’orgue demain. Le monde de l’orgue se pose toujours des questions quant à son avenir. C’est donc une manière d’affirmer avec beaucoup d’optimisme : écoutez ces jeunes, ils sont la voix de l’orgue de demain. Et vraiment, plus j’en connais, plus je suis émerveillé de la richesse de leurs propositions pour l’avenir.”
ET DEMAIN ?
Toulouse les Orgues remercie à tous ceux qui ont participé au développement du Festival depuis ses débuts :
- la Ville de Toulouse, le Conseil Régional Occitanie, la DRAC Midi-Pyrénées,
- les entreprises mécènes, les partenaires culturels, les partenaires privés, les partenaires institutionnels,
- et les mécènes particuliers.
Les équipes du Festival avec :
- les directeurs artistiques Michel Bouvard, Jan Willem Jansen, Yves Rechsteiner,
- l’équipe actuelle composée de Aurélie Magnat, Nathalie Bacon, Mélanie Daoulas, Irène Dauplé, Cinthia Corot, Serge Falga, Coralie Zamuner,
- Michel Courtois et le conseil d’administration de Toulouse les Orgues depuis 2011
- tous les membres de l’association Toulouse les Orgues
- les collaboratrices et collaborateurs qui ont participé par le passé au Festival : Agathe Rivemale, Tobias Holzmann, Gwarr Greff, Pauline Sauret, Pierre-Bernard Kempf, Agnès Rouvière, Perrine Crubilé, Cécilia Ruiz-Lévy, Tania Leite Souza, Justine Ribière, Sabrina Lloris, Cécile Augais, Joëlle Dubarry, Jade Roques, Marie Leininger, Sophie Trible-Anselme, Magali Henriet
Pour leur investissement particulier dans l’essor du Festival, l’équipe tient à remercier :
- Jean-David Delépine, premier administrateur de 1996 à 2000,
- Jean-Jacques Germain, président de l’association de 2001 à 2010 et son conseil d’administration,
- Catherine Kauffmann-Saint-Martin, attachée de presse de 1996 à 2010,
- Christophe Henriet, régisseur général, de 1998 à 2014 et Pierre Lorcery, régisseur lumières.
Et bien-sûr rien n’aurait existé sans :
- les facteurs d’orgues,
- les organistes toulousains,
- les bénévoles,
- les étudiants du CRR et de l’isdaT, les assistants de registration,
- les techniciens conseil,
- les associations des amis des orgues de toute la région,
- les artistes et le public.